Les exilés tibétains exigent, pour continuer dans la "voie médiane", la sincérité de la Chine
phayul.com
lundi 24 novembre 2008 par Communauté Tibetaine
Dharamsala, 22 novembre 2008 : Tout en réaffirmant leur "foi et fidélité" absolue envers l’autorité du Dalai Lama, et en acceptant de poursuivre leur demande d’autonomie du Tibet (à l’intérieur de la Chine -NDT), les exilés tibétains n’excluent pas un changement éventuel de stratégie les amenant à revendiquer l’indépendance du Tibet, si l’option actuelle de la "voie médiane" ne produisait toujours aucun résultat dans un futur proche.
Plus de 500 responsables et représentants tibétains, venus du monde entier, ont achevé leur "Congrès Spécial" de six journées, commencé le lundi 17 novembre à Dharamsala, où réside le gouvernement tibétain en exil, en Inde du nord.
Le porte-parole du Parlement tibétain en exil, Mr Karma Chophel, qui conduisait les débats, décrit le rapport final du Congrès comme une synthèse de toutes les opinions et suggestions de la population. Ce document sera remis au Dalai Lama, le dirigeant tibétain en exil, qui l’étudiera de manière approfondie.
Dans leur rapport de synthèse, les délégués prient le Dalai Lama de ne pas envisager une "pleine retraite" ni même une "semi-retraite" sachant qu’il est le premier défenseur de la Cause du Peuple tibétain.
Entre autres résolutions, la synthèse propose de suspendre les rencontres entre les Envoyés du Dalai Lama et la Chine, tant que le pouvoir chinois ne s’engage pas sérieusement dans la résolution du problème tibétain. Les conclusions ajoutent que beaucoup de voix se sont élevées, au cours des débats, pour demander que l’on considère la revendication de l’ "indépendance" si aucun résultat n’est atteint à court terme suite aux évolutions politiques proposées par ce Congrès.
La synthèse du Congrès confirme que, dans sa lutte pour la liberté, le Peuple tibétain restera résolument attaché à la non-violence, que ce soit pour gagner son indépendance ou pour obtenir l’autonomie.
"La Chine a totalement rejeté notre proposition pour une autonomie effective (à l’intérieur de la Chine - NDT). Mais il est encore temps pour la Chine de choisir de répondre positivement à nos efforts sincères," déclarait Karma Chophel au journaliste de Phayul. "Par contre, si la Chine ne change pas d’attitude, alors cela ne pourra que nous forcer à faire de nouveau évoluer notre stratégie actuelle. Et dans ce cas, comme l’ont exprimé avec force les délégués tibétains au cours des débats, rien ne nous empêchera alors d’opter pour une politique visant à l’indépendance," expliquait le porte-parole.
Jamyang Norbu - éminent écrivain tibétain et fervent défenseur de l’indépendance du Tibet - trouvait que ce Congrès était "encourageant" et, qu’il pouvait permettre, en donnant la possibilité aux gens d’exprimer leurs opinions, de faire évoluer la politique suivie par le gouvernement tibétain en exil. Il affirmait aussi que ces débats avaient mis en évidence la nécessité de revoir l’option actuelle de la "voie médiane" et de la faire évoluer.
En outre, Jamyang Norbu (59 ans) expliquait que ce rassemblement constituait une "première étape dans la bonne direction", avec l’examen de la stratégie "Rangzen" (revendication de l’independance totale du Tibet) et l’opportunité d’y recourir à nouveau si l’approche de la "voie médiane" restait vaine au bout d’une période de temps limitée.
Ancien ministre et représentant (aux USA) de Sa Sainteté le Dalai Lama, Mr. Lobsang Nyandak déclarait que les conclusions de la réunion n’avait pas fixé de période de temps précise après laquelle on devrait changer de politique.
"Nous sommes tous d’accord pour dire que seul le dialogue permettra de résoudre ces problèmes. Les délégués présents au Congrès estiment que c’est au gouvernement chinois de créer les conditions et l’atmosphère permettant le dialogue," disait Lobsang. "Notre politique actuelle sera revue en fonction des réactions chinoises que nous allons observer et discuter," dit-il.
Pour obtenir une avancée de la Chine, Lobsang dit que "cela dépend des stratégies que nous adopterons et des pressions internationales que nous réussirons à concentrer sur la Chine."
Le porte-parole Karma Chophel rappelait que ce Congrès appelait aussi la Chine à mettre fin à ses critiques et attaques diffamatoires envers le Dalai Lama. Non seulement, dit-il, cela blesse les sentiments du Peuple tibétain mais aussi de tous les Bouddhistes partout dans le monde, dont ceux en Chine, ainsi que les partisans du Tibet et toutes les personnes qui admirent les principes moraux du Dalai Lama.
"Les conclusions du Congrès disent que la Chine doit reconnaître que l’insurrection cette année au Tibet est née de ses erreurs politiques et des mauvaises décisions prises contre le Peuple tibétain depuis plusieurs dizaines d’années. La Chine a dit qu’elle détenait les preuves démontrant qu’en exil des organisations du Dalai Lama avaient instigué des révoltes au Tibet, mais ces preuves ils ne les ont toujours pas présentées pour prouver leurs accusations," déclarait-il.
Karma Chophel estime que le Peuple tibétain "a unanimement réaffirmé sa confiance et sa fidélité envers Sa Sainteté le Dalai Lama" au cours de cette réunion. Cela constitue une parfaite réponse face aux remarques du pouvoir chinois disant que le Dalai Lama n’a pas de légitimité pour représenter le Peuple tibétain. "Le Peuple tibétain a réaffirmé qu’il suivrait le Dalai Lama quelques soient les choix qu’il estimera appropriés ; le message est très clair, et la Chine doit accepter cette réalité," ajoutait-il.
Karma Chophel précisait aussi que les Envoyés tibétains, durant la dernière session de discussions avec les représentants chinois (début nov. 2008), avaient mis au défi le gouvernement chinois d’autoriser la réalisation d’un sondage d’opinion – libre et indépendant – auprès des Tibétains vivant au Tibet afin de recueillir leurs avis quant au rôle du Dalai Lama.
Jetsun Pema, ancienne Kalon (Ministre) tibétaine et soeur cadette du Dalai Lama, estimait que ce rassemblement était une excellente base pour "préparer le futur" du mouvement des Tibétains.
"Sa Sainteté le Dalai Lama a toujours souhaité construire une vraie démocratie pour le Peuple tibétain. C’est ce qu’il s’est toujours efforcé de réaliser," disait Jetsun Pema.
Avant ce "Congrès Spécial", quelques 17 000 Tibétains vivant au Tibet avaient été consultés sur leurs opinions quant aux suites à donner à la lutte des Tibétains. Sur ce total, plus de 8 000 Tibétains ont affirmé qu’ils respecteraient toute décision prise par le Dalai Lama, et presque 3 000 (*) disent soutenir l’option de la "voie médiane" choisie par le Dalai Lama.
Le Dalai Lama va s’adresser ce dimanche aux délégués de ce Congrès.
(*) Note du traducteur (présent actuellement à Dharamsala) :
L’article omet un point dans les résultats du sondage : plus de 5 000 Tibétains ont affirmé soutenir "Rangzen", c’est-à-dire la revendication pour l’indépendance du Tibet. Cette information essentielle a contribué à donner plus de poids à cette stratégie lors des débats, bien que très peu de sièges aient été attribués aux organisations pro-indépendance (ex : 2 délégués seulement, sur plus de 550, pour le Tibetan Youth Congress, cette organisation non-gouvernementale à laquelle adhèrent environ 30 000 tibétains en exil) et aux plus jeunes générations (la plupart des participants avaient plus de 50 ans), etc.
LF